Toucher à la fiscalité de l’épargne-pension est une mauvaise idée

 

Tout travailleur qui prend aujourd’hui sa retraite peut s’attendre à une pension légale moyenne de 1.175 euros brut par mois. Pour celui qui est habitué à percevoir un revenu « normal », c’est dur à admettre. En moyenne, cela ne représente même pas la moitié du dernier salaire net perçu. Pas étonnant donc que 2,5 millions de Belges se constituent une épargne-pension. Le caractère fiscalement attrayant contribue au succès du système qui se révèle si utile pour procurer aux retraités un complément de revenu bien nécessaire. A l’approche des élections du 26 mai, un certain nombre de partis politiques souhaitent remettre en cause cette fiscalité. On ne peut que s’indigner de cette volonté qui dénote un manque de clairvoyance !

L’épargne-pension est indispensable

Après leur carrière, les travailleurs salariés et indépendants ont droit à une pension légale. En Belgique, cette pension ne représente en moyenne que 45 % du dernier salaire. Le revenu brut moyen s'élève aujourd’hui à 46.000 euros, soit 2.200 euros net par mois. A la retraite, un travailleur salarié se retrouve en moyenne avec 1.175 euros brut et un indépendant, seulement avec 642 euros brut. Ne nous berçons dès lors surtout pas d’illusions : la pension légale ne suffit pas si l'on veut maintenir son train de vie. Grâce à l’épargne-pension individuelle, chaque Belge peut lui-même se constituer un complément à ce montant de pension plutôt modeste. Il évitera ainsi une diminution douloureuse de ses rentrées et pourra (continuer à) profiter de la vie plus tranquillement à l’âge de la retraite.

En outre, avec le vieillissement de la population, le financement de la pension légale est de plus en plus sous pression. La pension légale repose en effet sur le système de répartition, ce qui signifie que ceux qui travaillent aujourd’hui financent non pas leur propre pension, mais bien celle des retraités actuels. Et lorsque les travailleurs actuellement en activité prendront également leur retraite, ce seront à ce moment-là les travailleurs actifs plus jeunes qui paieront leur pension. Or, en 2050, un Belge sur quatre sera âgé de plus de 65 ans et il n’y aura plus que deux actifs pour un retraité. Aujourd’hui, cette proportion est encore de trois actifs pour un retraité. En sachant que la situation budgétaire du pays rend extrêmement difficile un relèvement de la pension légale, la combinaison de celle-ci et d’une pension complémentaire est nécessaire pour mettre ses vieux jours à l’abri de soucis financiers.

La fiscalité de l’épargne-pension prise pour cible

C’est dès lors une bonne chose que l’épargne-pension individuelle existe et soit encouragée par les autorités. Le contribuable qui souscrit une épargne-pension peut bénéficier ainsi d’un avantage fiscal allant jusqu’à 30 %. Autrement dit : il lui est possible de récupérer fiscalement jusqu’à 30 % du montant qu’il a versé pour son épargne-pension. Sachant Le montant maximal qu'il peut verser sur une base annuelle étant de 980 euros, il lui est donc possible de bénéficier d’un avantage fiscal maximal de 294 euros. Pourtant, à la veille des élections, la fiscalité de l’épargne-pension est prise pour cible par certains. Il est regrettable de devoir constater que des candidats aux élections nourrissent l'intention de toucher à un produit si familier et tellement indispensable.

Atouts de l’épargne-pension

L’épargne-pension constitue pratiquement le seul véhicule qui incite les gens à mettre eux-mêmes de côté une somme d’argent destinée à compléter leur pension. Le système est complémentaire à la pension légale (1er pilier) et à l’assurance de groupe (2e pilier). Il présente en outre l’avantage d’être généralement accessible à l’ensemble des Belges, qu’ils soient salariés, indépendants, fonctionnaires, chômeurs ou prépensionnés.

Un autre atout du système de l’épargne-pension est qu’il est extrêmement simple, flexible et transparent. Le maximum forfaitaire est identique pour tous. Des changements dans la situation personnelle (statut professionnel, situation familiale ou employeur) sont sans incidence sur le système. Le seuil d’accès à ce dernier n’est pas élevé : un petit effort d’épargne (980 euros maximum) et aucune obligation d'épargner chaque année ou de verser (chaque fois) le montant maximum.

L'épargne-pension n’est manifestement pas réservée aux privilégiés. 2,5 millions de Belges environ - soit deux tiers de la population active - disposent d’une épargne-pension. Les personnes à faible revenu se constituent également une épargne-pension. Le versement moyen dans le cadre de l’épargne-pension s'élève à 745 euros par an ou 62 euros par mois. Parle-t-on ici de riches ? L’épargne-pension n’est pas l’apanage des gens fortunés. Elle est le bien de tous. Telle est la réalité !

Encouragement fiscal

L’encouragement fiscal de l’épargne-pension est important afin de continuer à inciter les citoyens à se constituer une pension complémentaire. Un cadre fiscal stable est indispensable, sans quoi le consommateur risque de décrocher. La réduction voire la suppression de l’incitant fiscal pour l’épargne-pension constituerait un très mauvais signal et serait une idée désastreuse. Les déclarations et prises de position de ces dernières semaines risquent de miner la confiance des 2,5 millions d'épargnants-pension. Elles jettent le discrédit sur le politique, ce dont nous n’avons vraiment pas besoin.

Pour les futurs retraités, et donc pour chacun de nous, il serait vraiment dommage de toucher à l’épargne-pension, un produit simple, utile, familier et dont le succès n’est plus à démontrer.

Philippe Colle

 

Administrateur délégué d’Assuralia, professeur à la VUB

 

 

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